L’Assassinat de Jesse James par le lâche Robert Ford (The Assassination
of Jesse James by the coward
Robert Ford)
Un film d’Andrew Dominik
D’après l’œuvre
de Ron Hansen
Avec Brad Pitt, Casey Affleck, Sam Shepard, Sam
Rockwell, Mary-Louise Parker…
Cela faisait sept années qu’Andrew Dominik n’avait pas réalisé de film, depuis Chopper. L’ampleur de cette nouvelle œuvre, produite notamment par Brad Pitt, était de taille, mais le cinéaste s’en sort à merveille.
Jesse James était un hors la loi, qui devint une vraie star sur le continent américain à la fin du XIXème siècle. Lui et ses frères attaquaient des banques, des trains, parfois avec violence.
Robert Ford, un jeune garçon, admiratif de Jesse James, de ses exploits, entra dans le cercle des proches de Jesse James à 19 ans, une relation complexe faîte d’idolâtrie et de jalousie. Une relation qui finit par devenir une tragédie grecque avec l’assassinat de Jesse James par Robert Ford, dans le dos.
Ce qui frappe d’abord dans ce film, c’est la somptueuse mise en scène de Dominik, qui rappelle autant les œuvres de Terence Malick pour son côté contemplatif, cette sublimation de la nature américaine et de ses grands espaces, que les westerns de John Ford, désabusés, poétiques. Le réalisateur filme un parcours, la fuite en avant de Jesse James, à qui sa vie échappe, mais qui pourtant reste une sorte d’intouchable, un mythe dont on narre les histoires dans des bandes dessinées, une légende qui traverse l’Amérique et les océans.
Dans cet univers inspiré, les comédiens touchent à l’essentiel : l’émotion. Brad Pitt, également producteur du film, montre qu’il est comédien sur lequel il faut compter, dans un rôle démesuré, mais qu’il joue avec retenue et sobriété. Il ne vampirise ainsi pas l’image de Jesse James, mais sublime son aura. Lorsque Jesse James parle, les gens écoutent, lorsqu’il crie, les gens ont peur. La dualité de ce personnage, entre mythe et réalité, fascine. Comme beaucoup de brigands, cette fascination créée souvent une admiration et une affection malgré les crimes.
Robert Ford, jeune homme fasciné justement par Jesse James, devint connu, mais ne fût jamais admiré, plutôt vilipendé pour sa lâcheté et ce refus de la société de voir en lui le libérateur de l’ignoble Jesse James. Un honneur qu’il ne méritait pas mais qu’il s’accorda après avoir été déçu par Jesse James. Dans l’ombre de la légende, il fut perçu bien souvent comme son larbin, un faire-valoir plutôt qu’un membre du gang James.
Rongeant son frein, attendant une gloire qu’il pensait mériter, il finit par trahir le héros de son enfance et le tuer lâchement, alors que James avait le dos tourné, dans la propre maison de Jesse James.
Il obtint certes une reconnaissance de par ce meurtre et les représentations théâtrales qu’il en fit par la suite avec son frère Charles Ford, complice du meurtre de Jesse James. Mais c’est surtout la honte qui l’emporta sur le succès, il ne devint jamais Jesse James. Casey Affleck incarne ce rôle difficile avec une étrange facilité, une nonchalance vocale remarquable. Il dégage lui aussi quelque chose d’inaccessible, de mystique.
Andrew Dominik est rare mais cette œuvre est précieuse. Les 2h39 peuvent sembler longues mais l’atmosphère dégagée par le film fait vite oublier le temps qui passe.
Un film incontournable de cette d’année, justement récompensé à Venise.
Arnaud Meunier
13/10/2007